samedi 17 juillet 2010

Bernard Giraudeau, entre Delon-Belmondo et Dewaere-Depardieu


Artistes : Beau gosse aux yeux lagons, Bernard Giraudeau nous quitte ce jour prématurément, à 63 ans, emporté par un cancer dont il s’était longuement entretenu auprès de Libération en mai dernier.

Acteur physique, au registre très étendu, il semble avoir construit sa carrière contre son physique avantageux. Dans les années 80, aux côtés d’un Gérard Lanvin, il incarne la génération post- Belmondo-Delon et post-Depardieu-Dewaere. En quête de la notoriété des premiers et des rôles complexes des seconds, sa carrière est marquée par des changements de cap abrupts et  zigzagants, en alternant constamment le cinéma et le théâtre. Sorte de double solaire de Richard Bohringer, Bernard Giraudeau laisse l’empreinte d’une carrière guidée par la liberté et la maturité, au goût légèrement inachevé. La preuve par 10, en toute subjectivité  :

Et la tendresse, bordel ? (1978) / Viens chez moi, j’habite chez une copine (1980) : deux des comédies qui lui ont valu sa notoriété. Dans l’une, il exploite son filon romantique, mais pas que ; dans l’autre, il campe un formidable duo de clowns avec Michel Blanc. Son meilleur rôle comique ?

Le toubib (1979)  / Deux hommes dans la ville (1973) / Les Spécialistes (1983) : Delon… Sûrement son modèle cinématographique. S’il n’a pas eu la chance de rencontrer son Visconti ou son Melville, Giraudeau aura, lui, réussi son tournant vers des rôles ambigus et complexes. Parce que moins marqué par le narcissisme qui englue son glorieux ancêtre ?

Passion d’amour (1981) : incursion réussie dans les productions Gaumont des années 80. Malheureusement, malgré Scola, malgré son sujet – un lieutenant de garnison dans le Piémont tombe amoureux d’une femme laide…- et malgré son talent, le film ne rencontre pas l’écho escompté. A réévaluer d’urgence.

Rue Barbare (1983) / Les longs manteaux (1986) : sa période virile, sous l’œil de Gilles Béhat. Pas la plus intéressante, mais celle qui lui permet de s’installer en haut du box-office et d’affronter des rôles plus biscornus pour tuer son image de bôgoss.

Poussière d’ange (1987) : peut-être sa plus belle prestation, sa plus méconnue, aussi. Sur un scénario de Jacques Audiard, sous l’oeil d’Edouard Niermans, il campe un commissaire alcoolique et noctambule, errant dans une France fantômatique, bribes de quartiers lillois, lyonnais et marseillais. Un trip hallucinatoire, entre Vertigo d’Hitchcocfk et Notre histoire de Blier. A redécouvrir d’urgence.

Une nouvelle vie (1992) / Le fils préféré (1994) : deux incursions réussies dans le cinéma d’auteur à la française.

Ridicule (1995) :
prestation hilarante d’un prélat défroqué au rire décapant, qui lui vaudra une disgrâce royale définitive. Il est hilarant. Son plus grand second rôle.

Une affaire de goût (1999) / Gouttes d’eau sur pierres brûlantes (1999) : deux compositions parmi les plus ambiguës et les plus complexes de sa carrière, qui lui permettent de sauver un film du désastre (Affaire de goût) ou de faire accéder un jeune réalisateur à la gloire, Ozon.

La Petite Lili (2003) : son dernier rôle solaire, cependant déjà marqué par la vieillesse et la maladie.

Liaisons dangereuses (1987) / La Répétition (1986) : deux de ses plus fameuses compositions théâtrales, que j’ai eu la chance de voir. Je retiendrais son éblouissante interprétation de Valmont, face à une Merteuil redoutablement interprétée par Caroline Cellier.

La Face cachée de l’ogre (1987) / L’Autre (1989) : deux de ses trois réalisations, empreintes de son goût pour les voyages, les autres et les destins singuliers. Et pour l’attente métaphysique. Il aurait été le réalisateur idéal du Désert des tartares.

Travis Bickle

Aucun commentaire: