mardi 30 août 2011

La Grotte des Rêves Perdus : les écrits de la roche


En salles : Une fois n’est pas coutume, soyons un peu prétentieux. Voici ce que j’écrivais ici même à propos de la rétrospective consacrée à Werner Herzog il y a près de 3 ans : "L'oeuvre d'un cinéaste globe-trotter atypique, un poil mégalo et mythomane, mais qui fait preuve d'une foi absolue dans le cinéma, à vous faire déplacer un navire par dessus les collines boisées d'Amazonie". C’est bien simple : son nouveau film vient confirmer mot pour mot ces propos – la preuve !



Après l’Amazonie ou la Louisiane, l’Ardèche…

Werner Herzog, globe trotter atypique ? Assurément ! Après l’Amazonie, la cordillère des Andes, l’Australie, la Louisane ou l’Allemagne, voici enfin qu’il pose ses caméras… en France. En Ardèche, plus précisément. Et plutôt que d’y tourner un film de cape et d’épée ou une SF, Herzog prend un malin plaisir à brouiller les pistes pour tourner un documentaire, La Grotte des Rêves Perdus. Plus connu pour ses fictions, le cinéaste allemand en a réalisé plus d’une trentaine, tous ou presque invisibles, mais présentés lors de la rétrospective qui lui était consacrée fin 2008.

Werner Herzog, mégalo ? Qui, sinon lui, aurait eu l’idée de venir filmer la grotte Chauvet, désormais fermée au public, contenant les plus anciennes peintures existantes (autour de 32 000 ans) ? Ce ne serait que cela, l’expérience en serait déjà impressionnante (tourner dans un environnement sombre et humide, faire revivre des peintures et dessins vieux de 32 000, les plus anciens jamais découverts à ce jour…).

La 3D pour un résultat époustouflant

Mais non, il en fallait plus au cinéaste de Fitzcarraldo : sa botte secrète, c’est la 3D, pour un résultat époustouflant. Jamais la 3D n’avait paru aussi justifiée, si ce n’est chez James Cameron ou Wim Wenders : la texture calcaire, l’humidité, les aspérités, vous êtes vraiment DANS la grotte. Surtout, la caméra s’attarde longuement, langoureusement sur les volumes, les parois, les stalactiques et dessins, à l’instar d’une main qui viendrait caresser les parois de la grotte. Epoustouflante expérience sensorielle. Très belle idée que d’avoir choisi en commentaires off la voix de son alter ego Volker Schlöndorff pour restituer les pensées intérieures du cinéaste.

Herzog, mythomane ? Là, je donne ma langue au chat. N’étant un spécialiste ni d’archéologie, ni de l’Ardèche et du Jura souabe, je préfère donner la parole aux experts…Néanmoins, un épilogue assez savoureux centré sur une ferme aux crocodiles – remember le caïman de son Bad Lieutenant… ! – voisine de la grotte Chauvet et proche de la centrale nucléaire de Pierrelatte peut laisser dubitatif…

Un foi absolue dans le cinéma

Enfin, Werner Herzog, détenteur d’une foi absolue dans le cinéma ? Alors, s’il n’y avait qu’un seul film dans toute sa filmographie pour le prouver, ce serait bien celui-là – et ce, bien au-delà de la prouesse technique, de son impressionnant résultat et des émotions qu’il provoque chez le spectateur. A l’instar des artistes aurignaciens qui ont peint sur les parois à des fins testimoniales, qui ont les premiers représenté leur univers naturel et métaphysique, Herzog se veut le pionnier de la 3D en milieu naturel. Et d’offrir aux générations futures un témoignage sur l’art pariétal et inscrire le cinéma dans la continuité de ce qui a été entrepris il y a plus de 36 000 ans. Et le film atteint des sommets de poésie et de philosophie. Certes, brutes, mais authentiques, naïves, magnifiques.

Maintenant, si vous n’aimez pas les grottes ou si vous êtes claustrophobe, je vous recommanderais séance tenante d’oublier vos appréhensions pour vous laisser happer par ce voyage intérieur, cette plongée dans la préhistoire, par cette immersion au cœur des sensations, magnifiée par la 3D, qui loin d’être un gadget comme dans la plupart des blockbusters actuels, accompagne, épouse la vision d’un artiste visionnaire et surprenant.

Travis Bickle

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