jeudi 8 septembre 2011

A la recherche de Garbo : La Rose Pourpre du Caire by Sidney Lumet


En salles : Attention, perle rare. Dans l’abondante filmographie de Sidney Lumet, décédé au printemps dernier, on oublie très souvent A la recherche de Garbo, qui ressort cette semaine en copie neuve. Et c’est dommage, car derrière ses aspects modestes, de film mineur, c’est l’une des oeuvres les plus secrètes de son réalisateur, certainement celle où il se dévoile le plus – quasiment une sorte d’autoportrait. Certes, sans posséder le souffle élégiaque de A bout de course, ce Garbo talks tient une place à part dans son œuvre. La preuve  par trois :


Un registre inhabituel

1 - C’est une comédie, certes douce amère, mais une comédie. Un registre inhabituel pour le réalisateur de Serpico, du Crime de l’Orient-Express ou de Network ! Dialogues, situations, Lumet en possède le BA-BA. Un sans faute. Notamment dans les scènes de ménage du couple Ron Silver-Carrie Fisher, stigmatisant les différences de comportements entre Californiens et New-Yorkais. Ou bien l’anticonformisme et le culot de son personnage principal, interprété avec abattage par Anne Bancroft….


Anne Bancroft à son sommet

2 – Ah, Anne Bancroft ! Vous la connaissez tous : Miss Robinson, la mère de Katherine Ross, c’est elle, dans Le lauréat. Grande comédienne, un peu oubliée de nos jours, épouse à la ville de Mel Brooks, elle a illuminé de son tempérament au moins 3 autres films : Elephant Man, de Lynch, dans le rôle de la comédienne bienfaitrice (film produit par Mel Brooks, pour mémoire…) ; The Sunchaser, le dernier film en date de Michael Cimino, dans le rôle d’une vieille hippie des 60’s ; enfin, et surtout, dans Miracle en Alabama, du trop oublié Arthur Penn, et pour lequel elle décrocha l’Oscar.

Là, en mère juive, totalement fofolle, complètement possessive, mais toujours en lutte contre les injustices et les privilèges, en révolte permanente (nous sommes alors en pleine Reagan-mania), qui, apprenant qu’elle est atteinte d’une tumeur au cerveau, demande à son fils de l’aider à exaucer son voeu – rencontrer son idole Greta Garbo -, elle joue sur tous les registres : comédie, drame, émotion. Du grand art. Ne serait-ce que pour elle il faut courir voir ce film. Et vérifier combien Sidney Lumet est un sacré directeur d’acteurs : Carrie Fisher, ex-princesse Leia, y est californienne à souhait, tandis que Ron Silver, vu dans Le mystère von Bülow y excelle dans un rôle allenien de fils écrasé sous le joug des facéties de sa mère.

Le film le plus autobiographique de Sidney Lumet

3 – C’est enfin peut-être son film le plus personnel. Car derrière le personnage d’Estelle, il faut y voir Sidney Lumet, le combattant, celui qui ne se résigne jamais, mais qui, l’âge aidant, se nimbe peu à peu de nostalgie. Un Sidney Lumet qui croit cependant aux vertus du cinéma, à ses idoles, au pouvoir du 7e art de lui permettre de vivre d’autres vies par procuration. Bref, de l’aider à vivre. Car c’est de cela qu’il s’agit in fine : un hommage au cinéma, aux comédiens, à New York, à sa famille. Un film chuchoté avec discrétion et émotion, tel le Rosebud de Charles Foster Kane. Un précieux talisman cinématographique – sa Rose pourpre du Caire, en fait !

Bref, en dépit d’une esthétique très 80’s (réalisé en 1983, aïe, la musique, les décors !!), voici une œuvre à redécouvrir, réalisée avec modestie et sincérité, indispensable à tous les amateurs de Sidney Lumet.

PS, spécial dédicace : n’oubliez pas de vous procurer le dernier numéro d’Eclipses, la première monographie en français consacrée au réalisateur du Prince de New York et d’Un Après-midi de Chien. De lumineuses et brillantes analyses, en attendant la parution des mémoires du cinéaste au printemps prochain.

Travis Bickle

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