mardi 16 juillet 2013

Pacific Rim : éloge du prototype


En salles : Disons-le tout net, a priori, Pacific Rim n'était pas fait pour moi. Combat de kaiju contre jaeger, démesure des effets spéciaux : je préférais laisser au quarteron de juvéniles de Cineblogywood et d'ailleurs vanter la qualité des effets spéciaux, la force des combats, la puissance de la mise en scène. Et pourtant, je suis tombé dedans. A 150% ! Pourquoi ? Une fois le bonheur jouissif d'avoir assisté à une forme de cinéma régressif, force m'était de constater que ce film-là n'a rien de régressif, bien au contraire. C'est un modèle de blockbuster, intelligent et qui valdingue tout sur son passage. La preuve en 4 coups de poing.


Pas de yes-man derrière la caméra
Parce que c'est un film réalisé, mis en scène, pensé par quelqu'un. Non un yes man à la Roland Emmerich, capable de saboter des punchlines plus riches que celles de Pacific Rim – regardez Independence Day pour le croire. Non, là, avec Guillermo Del Toro, il y a un metteur en scène, capable d'alterner l'action avec des scènes plus intimes – oui, je maintiens  ! ; qui aligne les morceaux de bravoure jamais vus – coucou la bataille de Hong Kong, bonjour la descente dans la brèche, hello l'envolée dans le ciel ; capable de scotcher son spectateur sur son fauteuil avec des scènes que, gamin, je rêvais secrètement de voir sur écran géant pour de vrai quand il fallait me contenter à l'époque de Sankukai ou Goldorak...


Les progrès en matière d'effets spéciaux à cet égard placent désormais le niveau d'exigence du spectateur très très haut. Réalisés par la société de George Lucas ILM, ils sont magnifiés par le travail sur la lumière et les décors – toujours diurnes, sans ouverture, qui brassent les éléments naturels – l'eau, la terre, le feu, le fer, l'électricité – ce qui donne à ces combats une dimension mythologique. Et par une 3D sidérante, qu'on a l'impression de redécouvrir, malgré les trop nombreuses et malheureuses tentatives de résurrection qu'elle a connues depuis Avatar.

Du Guillermo Del Toro pur jus
Parce que c'est Guillermo Del Toro. Eh oui, à revoir Godzilla signé Roland Emmerich – oui, encore lui, on frémit à l'idée à ce que ce tâcheron aurait fait de ce scénario. Ni plus ni moins un film de combat, gonflé à la 3D, mariné dans une musique rock FM, avec une pléthore de caméos venus faire guiliguili avec la grosse bébête... Là, désolé, c'est tout le contraire : un spécialiste des monstres, fasciné par ces êtres hors du commun, qui libre de tout frein se lâche, pour livrer un hommage aux kaiju eiga (films de monstres japonais, style Godzilla), certes, mais un film unique en son genre : unique par son ampleur, sa démesure, la fluidité de ses effets spéciaux, sa maîtrise narrative digne d'une ligne claire à la Hergé, la puissance de son univers – de l'horloge fatidique à l'onirisme d'une séquence montrant une petite fille terrifiée par un monstre, en passant par sa formidable tératologie qui évoque à la fois Bosch et Cronenberg,  autant de pans qu'on retrouve aussi bien dans Le Labyrinthe de Pan que dans Hellboy. Bref, Guillermo del Toro est bel et bien aux commandes, et c'est tant mieux !

Eloge du prototype

Parce que c'est un film qui se pense lui-même. Véritable éloge du prototype – aucun kaiju n'est tout à fait identique à son congénère, idem pour les jaeger – Pacific Rim prend un tour très étrange quand on le replace dans son contexte de production hollywoodienne. Comme si Del Toro adressait un message aux financiers qui ont pris le pouvoir dans les majors : ce n'est pas en produisant reboot sur reboot, ou en lançant  franchise sur franchise qu'ils parviendront à sauver l'industrie du cinéma. Produit par une major, étranger à tout reboot ou franchise, complètement gagné par l'imaginaire de son auteur, Pacific Rim est à lui tout seul un prototype. Un prototype de blockbuster. Dont il FAUT espérer qu'il donnera satisfaction aussi bien au public qu'aux actionnaires des majors. Pour ne pas être submergé de produits formatés et sans âme.

Blockbuster casse-gueule

Parce que c'est un projet casse-gueule: pas de stars – d'ailleurs, le casting est très bon, même dans ses personnages secondaires parfois un peu sacrifiés – un sujet totalement original qui se veut aussi un hommage à tout un pan du cinéma désormais classique, avec une prédilection pour Cameron, celui de Abyss et de Terminator 2 ; un cinéaste mexicain dirigeant un blockbuster complètement excentré des Etats-Unis, sans mission messianique ; Pacific Rim explose les règles classiques du blockbuster. Et n'hésite pas à verser la dose émotionnelle et humoristique nécessaire pour que l'aspect humain de ses personnages viennent contre-balancer le caractère destructeur à l'oeuvre dans ce combat de titans.

Travis Bickle

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