jeudi 28 novembre 2013

En Quatrième Vitesse : polar apocalyptique

En DVD et Blu-ray : Série de plans sur les pieds nus d’une femme qui court dans la nuit, haletante, le long d’une ligne blanche. Gros plan sur son visage effrayé et ébloui par les phares d’une voiture. Nat King Cole retentit soudain alors qu’elle ne cesse de haleter… Générique, dont le défilement se fait à l’envers de haut en bas. Plus de 50 ans après, En Quatrième Vitesse reste toujours aussi stupéfiant, audacieux, surprenant. Et donc mythique.
 

Cauchemar atomique

Réalisée et produite par Robert Aldrich himself – nous avions évoqué ici Le Grand Couteau et L’Ultimatum des 3 mercenaires -  cette adaptation de Mickey Spillane surprend, déroute, détonne. Cauchemar atomique, film noir aux allures de voyage au bout de l’enfer, En Quatrième Vitesse apparaît avec le recul comme le seul film (avec Sur les quais) qui traite du maccarthysme. Non dans une approche historique, mais dans une approche sensorielle et inconsciente : sa paranoïa, ses angoisses, son ambiance conspirationniste.

Labyrinthe perpétuel

Certes, tout le fatras du film noir est bien là : jolies filles, cadavres, privé laconique, camaraderie virile, whisky et flingues. Mais on est très loin du Grand Sommeil. Car le style d’Aldrich déplace les lignes du film noir vers le fantastique. Portes, couloirs, escaliers enferment les personnages dans un labyrinthe cauchemardesque perpétuel. Qu’il fasse jour ou nuit, la lumière surexpose celle du soleil et assombrit les ténèbres – chapeau à son chef op attitré de l’époque, Ernest Laszlo. Dans cet univers froid et déshumanisé – il faut voir l’allure du répondeur téléphonique de Mike Hammer, premier prototype du genre ! – Aldrich nous ballade avec son privé dans une quête forcément apocalyptique. Univers terrifiant que même la culture classique et athénienne ne parviendra pas à atténuer – comme en témoigne l’éblouissant dialogue qui précède la catastrophe finale.

Déplacer les lignes

Véritable boîte de Pandore cinématographique, En Quatrième Vitesse ne cesse de fasciner. Par le style d’Aldrich, sec, haletant, violent, sexué et cauchemardesque. Tout en se montrant totalement inventif et surprenant, il reste dans une narration noire classique. Car loin de lui la volonté de faire exploser le genre, mais bien plutôt de déplacer les lignes à l’intérieur du genre. C’est là tout le secret d’un film au pouvoir d’évocation intact, qui évoque aussi bien Welles (La Dame de Shangaï), Lang (Le Démon s’éveille la nuit) ou plus près de nous, Lynch (Lost Highway).

Une très belle édition DVD-BR de Carlotta, présentée avec son final intégral, accompagnée d’un commentaire éclairant du toujours éclairant Philippe Rouyer.


Travis Bickle

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