jeudi 23 janvier 2014

Robert Redford (2/2) : le syndrome Gatsby ?


Artistes : Suite et fin de notre focus consacré à l'immense Robert Redford alors que l'Académie des Oscars l'a snobé et que le festival de Sundance bat son plein.


Un acteur engagé. C'est l'un des traits marquants de sa carrière. Robert Redford est un acteur militant. Ses sympathies démocrates ne font aucun doute, et s'expriment dès 1971 à travers le docu-drama Votez McKay, de Michael Ritchie. Filmé comme un documentaire, il suit la campagne d'un jeune sénateur qui s'oppose aux méthodes des communicants pour mieux s'exprimer. En vain. Film charnière d'un engagement politique, qui culmine avec le hit Les Hommes du Président (1977), récit de l'enquête menée par deux journalistes sur le Watergate, tourné quasiment sur les braises de la démission de Richard Nixon. 

Autre combat de Redford : l'écologie, la préservation de l'environnement, le respect de la nature, qui de Jeremiah Johnson à All is lost, en passant Milagro ou Et au milieu coule une rivière constitue un fil rouge capital de sa filmographie. Enfin, autre exemple de sa détermination et de son engagement : Sundance. A partir d'un terrain acheté dans l'Utah pour une boulette de pain en 1963, baptisé Sundance en 1968, non seulement l'acteur en a fait son havre, son refuge, mais aussi une station touristique écologique, aujourd'hui théâtre d'un festival annuel du cinéma indépendant, symbole de résistance à l'industrie hollywoodienne.

J'aurais voulu être un réalisateur... 1981 : Robert Redford décroche son seul Oscar. En tant que réalisateur. Pour son premier film, Des gens comme les autres. Au nez et à la barbe de Martin Scorsese, en lice pour Raging Bull, de David Lynch, en lice pour Elephant Man, et de Roman Polanski en lice pour Tess – rien que ça ! Certes, cette chronique d'une famille au bord de l'implosion possède des résonances autobiographiques, permet de découvrir Timothy Hutton et Elisabeth McGovern, et offre à Donald Sutherland un de ses rôles les plus riches. Mais il ne parviendra jamais à égaler la densité, la vérité et la personnalité des réalisations de son alter ego Paul Newman (Rachel Rachel ou De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites).

Parmi les huit films qui suivront, deux méritent d'être redécouverts : Quiz Show (1994) ainsi qu'Et au milieu coule une rivière (1992). C'est peut-être à travers la critique du système médiatique tel qu'il se met en place à la fin des années 50 et la chronique élégiaque d'une fratrie dominée par la figure paternelle qu'il se livre le plus. Ce qui leur confère une indéniable patte, une véritable authenticité.

Les années 1990-2000, ou la traversée du désert. Rien à sauver, ou si peu. Comme si lui et le cinéma s'étaient définitivement tourné le dos. Mis à part Spy Game de Tony Scott en 2001, sorte de palimpseste des Trois Jours du Condor, rien à sauver. Ce qui frappe d'ailleurs dans sa filmographie d'acteur, c'est l'absence de ceux qui ont fait le Nouvel Hollywood et de leurs descendants : pas de Scorsese – même s'il faillit tourner dans le remake de Cape Fear – ni de Coppola, Cimino, de Palma, Spielberg, frères Coen, Soderbergh, Tarantino ou Burton.

Le syndrome Gatsby ?
A l'instar du héros de Fitzgerald qu'il interpréta à merveille en 1974, on peut se demander si Redford n'est pas frappé du même mal que lui : une mélancolie liée à une inadéquation avec le monde actuel. Qui expliquerait son retrait artistique ces 15 dernières années. Et qui serait à la source du malentendu entre l'image qu'il projette – celle d'un WASP né une cuiller dans la bouche – et celle qu'il voudrait laisser, celle d'un homme constamment en lutte, pour la préservation de l'environnement, pour ses idéaux de partage, intrinsèquement marqué par la solitude. 

C'est pourquoi on ne peut ressentir qu'une immense injustice à ne pas voir son nom retenu pour concourir à l'Oscar 2014 du meilleur acteur. Et au fond, qu'importe : Redford a déjà inscrit son nom dans la légende. Et ne devrait désormais jouer que des rôles bigger than life. A l'instar d'un Clint Eastwood, autre légande de la même génération, qui plutôt qu'attendre que les jeunes viennent à lui, a décidé de s'octroyer lui-même les rôles qu'il souhaitait incarner. Et tiens, qui aurait l'audace de proposer  à Robert Redford le rôle du capitaine Achab ? C'est aujourd'hui l'acteur idéal pour ce rôle. En attendant, on le découvrira en avril dans un nouveau rôle de composition, celui d'un milliardaire bad guy, dans une production Marvel, Captain America.

Découvrez la première partie de l'article.

Travis Bickle

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