jeudi 11 septembre 2014

Truffaut par Truffaut 1/5 : des 400 Coups à La Peau douce - VIDEOS


Artistes : Au moment où la Cinémathèque s'apprête à commémorer le 30e anniversaire du décès de François Truffaut (exposition + rétrospective à partir du 8 octobre 2014), Cineblogywood vous propose de parcourir l'intégralité de la filmographie du cinéaste français le plus célèbre de son temps. A raison d'un post par semaine, nous vous présenterons chacun de ses longs-métrages à travers les propos mêmes de Truffaut. Première salve !


Mais, au préalable, je dois faire un coming out : oui, je n'ai jamais vraiment compris le culte et la ferveur dont François Truffaut est l'objet. Certes, ses propos, ses interviews, ses articles sont souvent passionnants – sans parler de son livre d'entretiens avec Hitchcock. Certes, les propos qu'il a tenus sur le cinéma ou sur ses propres films sont des modèles de discours critiques, ce mélange d'exégèse et de partis pris, d'analyse et de mauvaise foi. Mais ses films m'ont la plupart du temps laissé sur ma faim. En laissant la part belle au texte, au scénario, aux dialogues, à la musique, j'ai souvent eu l'impression que Truffaut négligeait le cinéma. Et ce, malgré ses intentions. Et puis, l'âge aidant, me sont apparues avec éclat les aspérités de son oeuvre, son versant noir : la folie au quotidien, l'amour fou, son art du montage, ses voix off beaucoup moins littérales qu'apparemment, ses audaces narratives, son apparent classicisme, la musique de Delerue, le romantisme passionnel. Bref, un autre homme, celui d'un génie du XIXe siècle qui se serait égaré, puis accompli dans le cinéma.

A la lecture de ses écrits et interviews, un film apparaît comme le point aveugle de sa carrière : La Peau douce (1964), film à partir duquel, contre lequel il bâtira toute son œuvre, soit pour le justifier, soit pour l'améliorer, soit pour en donner des variations. Frappant de constater à quel point ce titre est quasi-systématiquement cité à chaque fois qu'il a pu donner des interviews. Comme s'il s'agissait pour lui de refaire ce même film. Comme s'il s'agissait d'en essuyer l'échec critique et public lors de sa sortie. Comme s'il s'agissait là, versant film d'amour, du film matriciel de son œuvre : un homme, deux femmes, l'amour fou, l'amour au quotidien.

En guise de mise en bouche avant le festin Truffaut que nous prépare la Cinémathèque, flashback donc sur ses 21 longs métrages. Pas sous la forme d'exégèses – Serge Toubiana ou Antoine de Baecque s'en sont déjà excellemment chargés – mais au travers des commentaires du cinéaste lui-même, infatigable orateur, infatigable artisan qui n'hésitait pas à remettre sur l'ouvrage son travail, en le disséquant, le commentant, avec courage, lucidité et, parfois une certaine dose de mauvaise foi. Tous les propos qui suivent sont extraits de l'ouvrage Le Cinéma selon François Truffaut, textes réunis par Anne Gillain, éditions Flammarion.

Les 400 coups (1959)

1959 : "Tout dans Les 400 coups n'est pas autobiographique. En revanche, tout y est vrai : que ces aventures aient été vécues par moi ou par d'autres, l'essentiel est qu'elles aient été vécues. L'idée de ce film m'est venue grâce à une émission de télévision : Si c'était à vous. Les réalisateurs Bluwal et Marcel Moussy intéressaient le spectateur aux conflits entre parents et enfants. Tout naturellement, Moussy est devenu mon dialoguiste."

1962 : "Après le Festival de Cannes, le film m'a échappé à cause de son succès inattendu, et je ne l'aimais plus du tout. Et puis, je l'ai revu récemment à Nice, et je l'ai trouvé de nouveau intéressant. J'ai été très touché par sa pureté. Si je le refaisais maintenant - d'ailleurs, j'aimerais en reprendre le montage -, il serait plus objectif. Les gosses paraîtraient plus sournois. Les parents seraient moins chargés. (…). Mais au fond, j'aime énormément Les 400 coups parce que je sais que je ne pourrai jamais refaire un film aussi efficace. Tout y était épuré, chaque geste était le seul possible."



Tirez sur le pianiste (1960)

1960 : "Je me suis placé dans la situation du cinéaste à qui on impose une commande : un roman de Série noire, américain, à transposer en France. J'ai choisi Tirez sur le pianiste par admiration pour l'auteur de ce roman, David Goodis."

1983 : "Je crois que j'ai fait Le Pianiste pour une seule image. Dans le livre de Goodis, à la fin, il y a une petite maison dans la neige, des sapins et une petite route en pente, et on dirait que la voiture glisse sur cette route sans qu'on entende le moteur. J'ai eu envie de réaliser cette image. J'ai le plan dans le film. J'ai peut-être fait le film pour ce plan-là. Pour cette ambiance, ces relations sentimentales."



Jules et Jim (1962)

1962 : "Il y a une chanson dans le film, Le Tourbillon de la vie. Elle en indique le ton et en révèle la clef. Peut-être parce qu'il a été écrit par un vieillard, je considère que Jules et Jim est un hymne à la vie. (…) J'ai entre les mains un chef -d'oeuvre, un chef-d'oeuvre inconnu certes, (…) il ne faut pas trahir Roché, il faut que ses vieux amis qui vont voir le film reconnaissent le livre. C'est un style invisible, qui n'a l'air de rien, le film doit être pareil, l'image également doit avoir l'air de rien."

1975 : "Ce qui faisait de Jules et Jim mon livre de chevet, ce n'était pas seulement le style, (…) mais aussi le message de tolérance qui passait derrière chaque ligne. Pendant toute sa vie, l'héroïne du film va aimer deux hommes, et ces deux hommes parviendront à rester amis, sans cesser de l'aimer. Un de ces hommes est allemand, Jules ; l'autre, français, Jim. (…) C'est ce qui me plaisait : faire un film subversif avec une douceur totale, sans agresser le public (…) en le forçant accepter sur l'écran des situations qu'il aurait condamnées dans la vie."




La Peau douce  (1964)

1964 : "La Peau douce est une histoire d'adultère très réaliste, qui donne de l'amour une image anti-poétique, l'inverse de Jules et Jim, comme une réponse polémique. Ce qui m'intéresse le plus, c'est le personnage de la femme trompée. On en fait toujours le personnage ingrat. Ici, elle est considérée de la façon la plus anti-conventionnelle possible, elle est l'équivalent de Jules dans Jules et Jim."

1968 : "La Peau douce, j'ai su assez vite que ce serait un échec, dès que j'ai terminé le mixage. J'ai regardé le film très lucidement (…) et j'ai vu que c'était déprimant, que c'était un film qui 'descendait'. (…) Un film qui descend est rarement aimé. (…) C'est le contraire de l'idée d'exaltation qu'on attend du spectacle. C'est une loi rarement démentie."



Travis Bickle

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