samedi 6 juin 2015

Cinéastes 80 : John Carpenter le marginal


Artistes : Ce samedi soir à 22h20, branchez-vous sur OCS Géants. Car le nouvel épisode de la série Cinéastes des années 80 (découvrez notre dossier), réalisée par Jean-Pierre Lavoignat et Christophe d'Yvoire, est consacré à John Carpenter. Pendant dix ans, le cinéaste signe des films forts, souvent devenus cultes. Et pourtant, tous n'ont pas cartonné au box-office. Et tous ne sont pas des films d'horreur.


Carpenter reçoit les "Frenchies" dans le salon de son bureau, un mug dans une main (on aime à penser qu'il n'y avait pas forcément de café dedans), et une clope dans l'autre. L'entretien est interrompu à plusieurs reprises par l'arrivée d'une femme (la sienne ?) qui fait du bruit pendant une prise, ou par les membres de l'équipe, l'un se plante avec l'iPad sur lequel il doit lancer des extraits de films, l'autre fait tomber une batterie. Carpenter les vanne, en restant cool. Il en a vu d'autres.

Comme tout ado qui a mué dans les années 80, j'ai passé des après-midis et des soirées à regarder les films de Carpenter sur le magnétoscope familial. Ce qui m'a plu chez lui, comme chez John Landis ou Joe Dante, c'est son incroyable sens de la mise en scène. Rien que de repenser à certains de ses mouvements de caméra... j'en ai des frissons. Cette "science", John Carpenter l'a acquise à l'école de cinéma de USC, la fac californienne qui a aussi accueilli George Lucas et d'autres réals. Outre les masterclasses de John Ford, Howard Hawks (son idole), Orson Welles ou Alfred Hitchcock, John apprend à tout faire. Réaliser, monter, faire la musique... Pas le choix quand on veut faire un film et qu'on est fauché. Ce savoir-faire lui permettra de comprendre comment bosser au sein d'un studio ou de manière indépendante. Et la carrière de Carpenter débute dans les années 70.

Dark Star (1974)
Ce petit film (en terme de budget) de science-fiction a longtemps été la perle rare que chérissait une poignée de cinéphiles. Carpenter co-écrit le scénar, réalise le film, en compose la musique, le produit. L'autre coscénariste, Dan O'Bannon, signera quelques années plus tard le script d'Alien. Les influences du premier sur le second sautent aux yeux.


Assaut (Assault on Precinct 13, 1976)
Un gang attaque un poste de police de Los Angeles. Les Indiens à l'assaut du fort... Ce film à petit budget est un western moderne, en partie inspiré par Rio Bravo d'Howard Hawks. Violence gratuite des voyous qui sont comme désincarnés. Ils ressemblent aux "zombies" de Romero. Cette figure d'autant plus inquiétante qu'on ne peut en saisir l'humanité, Carpenter l'utilisera souvent dans ses films suivants. Brillant exercice de style, Assaut pose déjà la Carpenter's Touch : du film d'action (de genre) efficace sous-tendu par un message anar, anti-institution.


Halloween (1978)
Le film qui a lancé un genre : le slasher movie. Le psychopathe qui terrorise une ville et dont rien, ni personne ne semble venir à bout. Jamie Lee Curtis poursuivi par un tueur armé d'un couteau - comme un clin d'oeil à Janet Leigh (la mère de Jamie Lee), assassinée sous la douche dans Psychose. On se souvient autant du film que de sa musique, signée Carpenter. Petit démarrage en salles qui se termine en surprenant succès - un sleeper, comme on dit. Culte de chez culte.


Fog (1980)
Cette fois-ci, il n'y a pas un mais plusieurs tueurs en série, qui apparaissent avec le brouillard. Là encore, Carpenter sait réaliser des plans sublimes avec peu de moyens. Et il sait faire monter la tension. A noter que, pour ce film, le cinéaste se paie le luxe da faire travailler Jamie Lee Curtis et Janet Leigh. Leurs relations sur le tournage ne sont pas simples car la fille a une vie mouvementée mais Carpenter refuse d'en dire plus...


New York 1997 (Escape from New York, 1981)
Grâce à ses deux précédents succès, Carpenter se lance dans un film plus ambitieux. En 1997, Manhattan est transformée en une gigantesque prison à ciel ouvert. Lorsque l'avion du président américain s'y écrase, les autorités y envoient un criminel pour aller le récupérer, en 24 heures. Sur cette idée géniale, inspirée par Un Justicier dans la ville (1974), Carpenter crée un univers urbain post-apocalyptique qui aura une influence énorme sur les films fantastiques suivants. Pour camper Snake Plissken, l'anti-héros du film, Carpenter fait appel à Kurt Russell, avec qui il a tourné un téléfilm sur Elvis et qui deviendra son acteur fétiche. Un acteur en or, comme le souligne le cinéaste. Russell joue à la manière de Clint Eastwood. Carpenter pousse le clin d'oeil en le mettant aux prises avec Lee Van Cleef ! Belle brochette de seconds rôles : Ernest Borgnine, Donald Pleasence (autre habitué de la filmo de Carpenter), Harry Dean Stanton, Isaac Hayes et Adrienne Barbeau, alors épouse du cinéaste. Un grand film et un nouveau carton.


The Thing (1982)
En Antarctique, l'équipe d'une base scientifique américaine recueille un chien qui s'avère être un alien capable de "coloniser" toute forme de vie. Comme Jean-Pierre Lavoignat, je pense que The Thing est le chef-d'oeuvre de John Carpenter. Remake du film d'Howard Hawks, que révère Carpenter (le film et le cinéaste), The Thing est le premier film de studio de Carpenter. Universal lui donne de gros moyens. Décors splendides dans lesquels Carpenter instaure une ambiance oppressante, ponctuée par des pics d'horreur. La créature, réalisée par Rob Bottin, à qui l'on doit les effets spéciaux de Hurlements notamment, est une oeuvre d'art en soi. Et à l'époque, tous les FX sont mécaniques. La partition est signée Ennio Morricone, à qui Carpenter demande d'utiliser peu de notes ! Ce génial huis-clos sort pendant l'été 1982, l'été de tous les blockbusters (lire notre dossier). Laminé par la critique, il n'attire pas les foules qui lui préfèrent E.T., Tron ou Conan le barbare. Heureusement, les années ont passé et l'oeuvre a été reconsidérée à sa juste valeur. 


Christine (1983) 
Abattu, Carpenter accepte de réaliser l'adaptation du roman de Stephen King sur une voiture maléfique. Sans y croire plus que ça. Et pourtant, la Carpenter's Touch joue à fond. Le film est prenant, efficace, avec en prime une bande-son rock inoubliable - cf le Bad to the bone balancé sur la séquence d'ouverture. Et des flares à faire pâmer J. J. Abrams.


Starman (1984) 
Un alien débarque sur terre et prend la forme du mari défunt d'une jeune veuve. Jeff Bridges et Karen Allen (Marion dans Les Aventuriers de l'arche perdue) forment un beau couple dans cette comédie fantastique pleine de charme et d'humour. Même sans son habituelle férocité, Carpenter prouve qu'il peut faire un bon film.


Les Aventures de Jack Burton (Big Trouble in Little China, 1986)
Un camionneur plongé dans le Chinatown de San Francisco, où sévit un sorcier aux pouvoirs surnaturels. Un film fun, avec un Kurt Russell enjoué et bondissant. Une sorte de rejeton d'Indiana Jones. Mais là encore, le film se plante lourdement. C'est la fin de sa collaboration avec les grands studios mais Carpenter est quand même fier d'avoir réalisé le premier film de kung fu à Hollywood. Dommage, Jack Burton aurait pu devenir un héros de franchise...


Prince des ténèbres (Prince of Darkness, 1987)
En redevenant indépendant, Carpenter retrouve son mordant. Prince des ténèbres est une sorte d'exorcisme. Retour au film d'horreur. Eglise désaffectée, Satan en embuscade... Flippant, très flippant. Avec toujours cette mise en scène inventive. Donald Pleasence fait son retour. Et après, Isaac Hayes, le cinéaste en appelle à une autre star de la musique : Alice Cooper. 
  

Invasion Los Angeles (They Live, 1988)
Carpenter achève sa décennie 80 sur un coup d'éclat. Ce film de S-F, dans lequel un ouvrier découvre que des extra-terrestres ont pris l'apparence de terriens, est un tir de fusil à pompe dans le visage des yuppies, une grenade jetée dans un mall propret de l'Amérique reaganienne. Carpenter reconnaît avoir voulu faire un film politique. Non seulement il y est arrivé mais sans renier son style. Génial.


John Carpenter est meilleur en dehors du cadre des majors, lui qui a toujours adoré le Hollywood de la grande époque. La suite de sa carrière est moins réussie, malgré quelques perles. Reste qu'il a été l'un des roi des 80's avec pas moins de huit films en dix ans. Des films qui ont parfois marqué leur époque, et souvent des générations de cinéphiles comme de cinéastes. 

Anderton

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