lundi 29 mai 2017

Neruda : un étonnant thriller entre fiction et réalité

En DVD et Blu-ray : Présenté à La Quinzaine des réalisateurs à Cannes, en 2016, Neruda est disponible ce mercredi en vidéo. Le film de Pablo Larrain, avec Gael Garcia Bernal, rend un brillant hommage à l'univers du poète chilien.



Le cinéaste s'intéresse à  la cavale de Neruda, poète et sénateur, traqué par le régime chilien pour son engagement auprès du parti communiste. Une cavale qui dure quelques années, au Chili même. Le film commence comme un biopic classique : belle photo, reconstitution soignée de l'époque (l'après-guerre)... Mais le débat qui oppose Neruda à ses opposants du Sénat se déroule... dans les toilettes (certes luxueuses) du Parlement ! Sous les ors de la République et dans les pissotières... On comprend d'emblée que Larrain est parti pour démythifier cet immense artiste. Et tout au long du film, il poursuivra en ce sens, montrant un Neruda grotesque et grimé lors d'orgies ou au bordel, un Neruda hautain et cassant, égocentrique.
 
Réalisme poétique
 
Pour autant, il ne s'agit pas d'une œuvre à charge. L'homme, magnifiquement interprété par Luis Gnecco, est présenté dans toute sa démesure. Artiste génial, qui sait parler au peuple, dont les poèmes sont repris sur toutes les lèvres. Gnecco fait passer ses failles, ses élans du cœur, sa fragilité. L'hommage que lui rend Larrain passe également par la mise en scène, qui prend des accents oniriques notamment lorsque la photo joue sur les illuminations (avec son lot de flares que ne renierait pas J.J. Abrams) et les contrejours... Il arrive qu'une même conversation entre deux personnages se déroule, grâce à un montage cut, à des endroits et moments différents. Les séquences dans les voitures sont filmées devant des fonds qui rappellent les productions hollywoodiennes de l'époque, histoire d'ajouter à la confusion du public qui pensait regarder un biopic réaliste. 
 

 
D'où un sentiment général d'étrangeté. Le spectateur se demande s'il est encore dans la réalité ou dans la fiction, à l'instar de l'antagoniste de Neruda, le flic Oscar Peluchonneau, joué par un Gael Garcia Bernal souvent méconnaissable. Autre grand numéro d'acteur. Le policier, qui raconte le film en voix-off, est-il réel ou la création de Neruda, qui semble mettre en scène lui-même sa cavale ? Pablo Larrain signe un film d'auteur qui vire au film de genres - policier et western. Et vice-versa. Le résultat donne une œuvre "nérudienne", éminemment cinématographique et pourtant littéraire, à la fois complexe et fluide. On est emporté dans des directions multiples, sans jamais être vraiment perdu. Une belle réussite que Wild Side accompagne de bonus très éclairants : un making of, des entretiens avec l'équipe et un spécialiste de l'œuvre de Neruda. Qu'il n'est pas besoin de connaître pour apprécier cette bonne édition Blu-ray.
 
Anderton

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