mardi 6 juin 2017

Les Lauriers-roses rouges : portrait d'une femme qui lutte

En salles : Orpheline, Aurore, Je danserai si je veux, The Young Lady : les destins de femmes inspirent et donnent à voir sur grand écran des sociétés en mouvement où être une femme libre reste un combat. Dans Les Lauriers-roses rouges, Rubaiyat Hossain, réalisatrice bangladeshie, filme la vie de Roya, actrice à la ville et femme d’intérieur tiraillée. Un portrait délicat.


L’envers du décor


Le 24 avril 2013 à Dacca, capitale du Bangladesh, l’immeuble du Rana Plaza construit sans permis s’écroule, provoquant la mort de mille ouvrières de l’industrie textile. On découvre alors en France que le joli T-shirt acheté "pas cher du tout" chez H&M vient de là. On vote en toute hâte une loi sur le devoir de vigilance des sous-traitants. Et notre bonne conscience est sauve. Mais que savons-nous de ce pays d’Asie du Sud et de ce qu’y vivent les femmes ?

Ne rien lâcher
 
Roya (Shahana Goswami) est plutôt chanceuse. Elle a fait un bon mariage en épousant un homme riche et interprète avec talent depuis des années le rôle principal de Nandini dans Les Lauriers-roses rouges, une pièce de théâtre de Tagore qui date de 1926. On pourrait donc dire qu’elle est émancipée. Sauf que l’âge venant, son metteur en scène la remplace par une comédienne plus jeune et son mari attend d’elle qu’elle joue enfin le rôle de sa vie : devenir mère. Comment Roya va-t-elle échapper encore quelques années à ce destin tout tracé ? Il y aura bien sûr de l’imagination, un homme providentiel et des choix à faire.



Un regard éveillé

Ce film tourné en 2015 a été récompensé par trois prix au FICA de Vesoul en 2016*, deux prix au Dhaka International Film Festival et du prix du meilleur film du Festival Islantilla en Espagne. Des récompenses justifiées par le double regard qu’il propose : fictionnel et politique. Le récit de la vie de Roya permet ainsi à Rubaiyat Hossain de traiter le quotidien d’une femme de la classe moyenne, son amitié enfantine avec sa petite bonne Moyna, ses rapports complexes avec sa mère et conflictuels avec son mari.

Un regard engagé

Mais aussi la vulnérabilité des femmes ouvrières du textile (80 % des exportations du pays), la montée de l’islamisme, la violence conjugale et la corruption dans le BTP. La mise en scène nous immerge enfin dans une ville en pleine construction, où jamais le silence ne se fait, dans des bidonvilles lacustres, où s’entassent les plus pauvres, et des usines insalubres, où nos jolis petits hauts sont cousus. Alors Les Lauriers-roses rouges mérite bien un visionnage pour aller à la rencontre de ces femmes courageuses et fières du Bangladesh.

* Jury international, prix de la critique, Emile Guimet.

Annie Hall

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