jeudi 29 juin 2017

Okja : Bong Joon-ho, l’héritier de Steven Spielberg

A la TV : On le sait depuis au moins un mois et sa présentation cannoise, Okja, le nouveau film du cinéaste coréen Bong Joon-ho (Memories of murder, The Host, Le Transperceneige) est co-produit par le géant américain de la SVOD Netflix, avec Plan B, la société fondée par Brad Pitt. Sans contexte l’un des films les plus excitants et les plus attendus du moment, avec Tilda Swinton, Jake Gyllenhaal et Paul Dano, et Darius Khondji à la lumière. Alors,  Netflix allait-il avoir raison de Bong Joon-ho ou non ? Verdict : force est de reconnaître, qu’au-delà du débat que son mode de diffusion soulève en France, Netflix semble avoir laissé mains libres au cinéaste. Qui s’affirme là en digne héritier de Steven Spielberg.


Pitch : après 10 ans d’élevage, 26 créatures géantes transgéniques, mi-cochons mi-hippopotames, doivent être rendues à leur propriétaire, Mirando, une multinationale américaine spécialisée dans l’agroalimentaire, dirigée par la terrifiante Lucy Mirando. Mija, une jeune fille de 13 ans, qui a élevé Okja dans les montagnes coréennes, refuse de céder sa nouvelle amie et se lance dans un combat sans merci contre la multinationale.

Fable universelle tout public

Avec Okja, Bong Joon-ho livre son film le plus universel, accessible aussi bien aux enfants qu’aux adultes. En adoptant la forme du conte, il vise tous les publics, sans jamais renoncer à ses thématiques : la dénonciation des effets néfastes du capitalisme sur les humains, le culte de l’argent roi et du narcissisme, l’arrogance des élites, la valorisation de l’esprit d’enfance au détriment du monde des adultes. Que l’on peut voir comme une variation soft sur le schéma de son méga-hit fantastique, The Host.

Au-delà de ses thématiques récurrentes, il livre ici un message pro-vegan, parfaitement dans l’air du temps : la nécessité de préserver le bien-être animal. Condamnée un temps à l’abattoir, Okja se voit greffer une caméra video pour visionner ce qui se passe dans ces abattoirs….Pour autant, il évite le manichéisme : les activistes du Front de libération des Animaux sont montrés jusque dans leurs excès.

De l’éden à l’enfer

En prenant pour personnage principal un enfant, il atténue la portée de ses critiques, tout en insufflant la douceur nécessaire à ce monde sans foi ni loi. Et s’impose comme l’héritier d’un Spielberg, que ce soit dans sa richesse narrative, son sens du rythme et sa poésie visuelle. En témoigne le réalisme et la douceur de ces bestioles, aussi lourdes et graciles que les hippopotames de Fantasia. Ou cette citation-hommage, s’il en est : "Je veux rentrer à la maison avec Okja".

Commencé sur un rythme pop et agressif, le film se poursuit dans la quiétude de la campagne coréenne, avant de se dérouler dans les grandes villes américaines, lieux de perdition spirituelle et humaine. Récit d’une chute, du passage de l’éden à l’enfer capitaliste, Okja évoque plus d’une fois l’univers de Miyazaki, Mon voisin Totoro notamment. Et qui permet à Darius Khondji d’élaborer une magnifique lumière à base de sfumato.

Jeu outré de Jake Gyllenhall

On notera certes quelques temps morts dans la partie new-yorkaise. Et malgré son souci d’éviter tout manichéisme, le parti du cinéaste se situe résolument du côté des défenseurs de la cause animale. En témoigne cet épilogue post-générique, qu’il ne faut manquer sous aucun prétexte. A quoi s’ajoute le jeu quelque peu outré de certains acteurs, notamment Jake Gyllenhall, en roue libre, dans le rôle d’un animateur vedette TV.
 
Polémique Netflix, dommage pour le palmarès

Pour son premier film en compétition au Festival de Cannes, dommage que Bong Joon-ho ait eu à pâtir de la polémique Netflix - sans parler d'une projection chaotique. Son inventivité, sa poésie et son universalité lui auraient permis d’accéder au palmarès. Rendez-vous sur Netflix. Mieux : sur grand écran, hier au cinéma Méliès de Montreuil, ou en... 2060, selon Vodkaster.
 
Travis Bickle
 

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