mercredi 16 août 2017

Une Femme douce : superbe, quand soudain...

En salles : Le cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa est un habitué du Festival de Cannes : en compétition pour My Joy (2010) et Dans la brume (2012), sa libre adaptation de Dostoïevski, déjà transposée au cinéma par Robert Bresson en 1969 avec Dominique Sanda, n’échappe pas à la règle, même si elle en est revenue bredouille de l'édition 2017. Ni véritable remake, ni fresque politique, Une Femme douce agit comme un alcool fort dans la rétine du spectateur, avant de s’évaporer mystérieusement dans son dernier tiers... Décryptage.



Douce et docile
 
Une femme, qui vit dans une région reculée de l’Est de l’Europe, reçoit par retour de courrier les colis qu’elle expédie à son mari incarcéré en prison. Elle part à sa recherche, prétexte à une odyssée davantage kafkaïenne que dostoievskienne dans les pays de l’Est contemporain.
 
Lumière sur l’horreur économique et sociale

Fresque naturaliste sur la Russie contemporaine, Une femme douce s’impose dès son ouverture comme une splendeur visuelle. Rarement la région n’avait été filmée avec une telle lumière, sur une alternance de couleurs chaudes et humaines, comme pour compenser l’horreur économique dans laquelle est plongée la région traversée par l’héroïne. Il faut rendre hommage au travail du chef op roumain Oleg Mutu.
 
Humour ravageur pour brûlot politique

Sergei Loznista évite toute lourdeur dans sa peinture des pays de l’Est : on y rit, on y boit, on y mange, on y fait la fête... Et on prend les choses avec humour ! Beaucoup de dialogues en témoignent. Egalement documentariste, le réalisateur ne s’interdit pas de livrer une charge sans demi-mesures contre la Russie, notamment à travers un bouleversant plan séquence dans une maison de défense des droits de l’homme. Ou sur la place des femmes dans la société. Enfin, l’actrice principale Vasilina Makovtseva, livre une impeccable prestation, entre détermination butée et impassibilité minérale. Elle rappelle aussi bien Sandrine Bonnaire dans Sans Toit ni loi que Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit.


 
Onirisme déroutant 

On tenait là peut-être la Palme d’Or 2017, quand soudain... Aux deux tiers du film, après une approche naturaliste, le film bascule dans un onirisme déroutant. Sans spoiler la résolution, ce rêve final se voulait une manière de rester fidèle à l’esprit de Dostoievski. Hélas ! Thématiquement et esthétiquement en rupture avec l’approche naturaliste de la quête, cette trop longue séquence s’intègre très mal à l’ensemble. Entre cauchemar et fantaisie, la scène finale, qui se voudrait proche de Fellini, perd en route le spectateur. D’autant qu’elle s’achève sur une note glauque et violente, stylisée à la manière de Gaspard Noé...
 
Conclusion ratée, énigmatique, qui suscite l’interrogation, mais qui a néanmoins le mérite de marquer l’esprit des spectateurs.

Travis Bickle

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