jeudi 12 avril 2018

Affiche de Cannes 2018 : "J'ai eu carte blanche" - INTERVIEW

Artistes : L'affiche officielle du Festival de Cannes 2018 représente Jean-Paul Belmondo embrassant Anna Karina. Une photo prise par Pierre Georges sur le tournage de Pierrot le fou. "On est contents, elle plaît beaucoup". Lors de l'annonce de la sélection au Festival de Cannes 2018, Thierry Frémaux a résumé les avis très positifs lus sur les réseaux sociaux. "Joyeuse, exubérante et libre", a complété Pierre Lescure. L'artiste lyonnaise Flore Maquin, qui a choisi le visuel et conçu l'affiche, revient pour Cineblogywood sur cette belle réussite.



Cineblogywood : Quand avez-vous été contactée pour réaliser l'affiche de Cannes 2018 ?
Flore Maquin : En début d'année. Le brief était large : j'avais carte blanche. Il y a eu beaucoup d'échanges sur le visuel et l'émotion que devait dégager l'affiche. Le Festival voulait un visuel fort qui transmette l'amour du cinéma.

Vous avez réalisé quelques affiches pour le compte de l'Institut Lumière, dont Thierry Frémaux est le directeur. Avez-vous été en contact avec lui sur ce projet ?
Oui, j'étais en contact direct avec Thierry Frémaux. C'est quelqu'un qui est très intéressé par ce que véhicule une affiche. Il apprécie beaucoup le style moderne, avec des couleurs marquées. Et c'est ce qui caractérise mon style.

Comment avez-vous procédé pour sélectionner le visuel ?
J'aime beaucoup le cinéma mais je n'avais pas de références particulières en tête. J'ai fait beaucoup de recherches sur internet et dans des livres, par réalisateur et réalisatrice, acteur et actrice... Je cherchais un visuel fort, pourquoi pas un film français, et ce visuel s'est dégagé.

Connaissiez-vous la photo de Pierre Georges avant de la trouver ?
Oui, je l'avais déjà vue mais je la trouvais tellement belle et forte que je l'ai sélectionnée pour travailler dessus.

Avez-vous soumis la photo à Thierry Frémaux avant de la retravailler ?
Non, il faut que l'illustrateur présente sa patte donc j'ai proposé un concept d'affiche directement. J'ai une manière un peu abstraite de travailler - si mes professeurs de graphisme lisent ça, ils vont me taper sur les doigts ! En général, il est conseillé de partir d'un concept ; moi, je préfère laisser l'inspiration venir à partir du visuel. 

La charte graphique du Festival a-t-elle représentée une contrainte ?
Non, j'avais d'ailleurs la possibilité de la changer mais la typo élégante du Festival marchait bien. J'ai ensuite vérifier que le visuel pouvait s'adapter aux différents formats : horizontal, vertical, carré...

Sur la précédente affiche du Festival, les retouches sur Claudia Cardinale avaient suscité la polémique. Vous a-t-on demandé de ne pas photoshoper Belmondo et Karina ?
Non, on ne m'en a pas parlé. J'avais une totale carte blanche.

Avez-vous proposé d'autres projets d'affiches au Festival ?
Oui, j'ai proposé plusieurs visuels, qui ont amené à des discussions sur le message que le Festival voulait faire passer mais il y a eu un coup de coeur général sur cette photo.

Quelle est votre formation ?
J'ai un profil complètement atypique : j'ai un BTS de Tourisme ! Je suis une autodidacte mais j'ai passé un Bachelor en création et direction artistique à Sup de Pub Lyon pour crédibiliser mon CV !

Vous travaillez à partir de photographies et vous réalisez des illustrations. Avez-vous une préférence ? 
Non, même si je recours beaucoup au digital painting, à la peinture numérique. J'aime beaucoup peindre et dessiner et j'essaie de lier la peinture au travail sur ordinateur. Je travaille sur Photoshop, qui permet à ce titre d'entrer plus dans les détails, cela surprend les graphistes qui utilisent davantage Illustrator, que je trouve pour ma part trop carré et très net.

Dans vos travaux, vous réinterprétez beaucoup de films et personnages iconiques de la pop culture. On peut dire que vous êtes une geek ?
Je suis une geek assumée ! Je suis passionnée par la pop culture. Mes références, ce sont surtout les années 80 et 90. 

Justement, quelles sont vos références artistiques ? Les affichistes des années 80, comme Drew Struzan ? Les posters de la galerie Mondo ?
Ah, oui, Mondo, c'est chouette ! Mais mes goûts me portent davantage vers des artistes accomplis, comme Lichtenstein, Warhol ou même Kandinsky, pour son usage des couleurs. Je ne cherche pas à m'inscrire dans une tendance graphique particulière, je m'éclate avec ce que le visuel va m'apporter.

C'est quoi une affiche réussie ?
Personne ne peut répondre à ça. C'est comme l'art, c'est très subjectif. Le plus important, c'est de transmettre le bon message et que l'idée derrière le visuel soit comprise.

Que pensez-vous des affiches de cinéma actuelles ?
D'une manière générale, le graphiste veut que son affiche soit belle. Après, et c'est normal, il y a des producteurs et des distributeurs qui veulent mettre en avant des noms ou des visages pour mieux vendre leur film. Une bonne affiche de cinéma, pour revenir à votre précédente question, c'est celle qui parvient à associer la démarche artistique avec les contraintes commerciales (lire notre interview : "Une affiche de cinéma n'a pas vocation à être originale"). Mais je constate une évolution depuis quelques années. Il y a une prise de conscience dans le milieu du cinéma pour proposer des affiches plus culottées, plus graphiques. Au-delà de l'affiche dite officielle, des affiches alternatives sont de plus en plus proposées. Et c'est très bien.

Au-delà de votre site internet, où peut-on admirer votre travail ?
J'ai déjà exposé mes oeuvres au Transbordeur et au Sucre, à Lyon. A partir de ce soir, certaines de mes illustrations décoreront le Mile-End Boutique, un concept store à Lyon qui organise un événement Back to the 80's. Mais mes oeuvres ne seront pas à vendre.

Des projets futurs ?
Avec cette affiche pour Cannes, je pense que cela ne devrait pas manquer !

Sur Twitter, suivez @FloreMaquin  

Anderton

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